2023
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Edith Parlier-Renault, « Transgression et purification dans la série des « déesses de grande sagesse » (Mahāvidyā) de la peinture pahārī (fin XVIIIe- milieu du XIXe siècle) », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.yausjt
Cet article se propose d'analyser la structure d'un groupe de dix déesses appelées les Mahāvidyā (« Grandes Sagesses »), décrites dans les textes tantriques (Tantrasāra et Śāktapramoda) et représentées dans la peinture indienne entre le XVIIIe et le XIXe siècle, notamment dans celle du haut Penjab (région « des collines », pahārī). À travers une comparaison entre quelques exemples significatifs choisis dans les miniatures pahārī et une étoffe brodée (rumal) figurant la totalité du groupe, réalisés aux environs de 1800, nous tentons d'abord de définir les principales caractéristiques iconographiques des différentes déesses au début du XIXe siècle, avant d'examiner la logique qui pourrait expliquer leur succession. La série s'ouvre sur la terrible Kālī, dotée de traits à la fois macabres et érotiques qui tendent à s'estomper graduellement dans les trois figures qui la suivent. Ce processus de purification progressive semble brusquement interrompu avec l'apparition de la sanglante Chinnamastā, qui se décapite elle-même, debout sur le couple formé par le dieu de l'amour Kāma et son épouse Rati, représentés dans l'acte sexuel. Comme le montre bien la disposition des déesses sur l'étoffe brodée, la figure de Chinnamastā doit sans doute être comprise en relation avec l'image qui clôt la série, celle de Kamalā, qui reçoit sur sa tête les eaux lustrales du sacre et incarne un modèle féminin plus conforme à l'orthodoxie. Alors que Chinnamastā pourrait renvoyer au kulayāga des textes tantriques, l'acte sexuel compris comme sacrifice ultime, Kamalā représenterait la consécration rituelle de l'adepte tantrique (abhiśekha). L'ensemble de la série illustrerait les différentes étapes d'un parcours initiatique qui vise à dépasser l'opposition entre le pur et l'impur.