Monstration de l’altérité dans quatre adaptations du Marchand de sable (Der Sandmann) d’E.T.A. Hoffmann sur les scènes contemporaines allemandes

Résumé Fr

Dans le cadre du congrès de l’AGES 2023 à propos des altérités dans l’espace germanophone, cette communication portait sur les manifestations scéniques de l'altérité monstrueuse dans quatre adaptations contemporaines du Marchand de sable (Der Sandmann) d’E.T.A Hoffmann, données sur les scènes allemandes entre 2017 et 2022.Ce conte fantastique de 1817, désormais célébrissime, qui confronte le monde des adultes à celui des enfants, le monde bourgeois à celui des poètes, ainsi que le réel à l’inconscient, la raison à la folie, la vie à la mort et l’humain à l’automate, est traversé par la représentation d’altérités inconciliables, sous la forme de figures difformes et monstrueuses, qu’elles soient humaines ou inhumaines. En outre, l’histoire d’un jeune homme tombant amoureux d’un automate a très rapidement séduit d’autres domaines que ceux de la littérature, tels la psychanalyse, avec le concept freudien de l’inquiétante étrangeté, et les arts visuels, ou encore les arts performatifs, dont l’opéra et le théâtre, deux lieux de prédilection de la monstration. Aujourd’hui, le conte d’E.T.A. Hoffmann continue d’être régulièrement porté à la scène. Il semble que l’engouement du XIXe siècle pour les créatures inertes et inhumaines (Kleist, Goethe), incarné dans Der Sandmann par l’inquiétante fascination de Nathanaël pour Olympia, gagne en actualité, avec l’avènement des intelligences artificielles, des assistants virtuels et des robots et androïdes, redoublant aussi la force des interrogations qui portent le texte sur la nature humaine et les relations à l’Autre.À partir de l’analyse scénique comparée des captations de mises en scène de Robert Wilson (2017), Florian Fiedler (2018), Clara Weyde (2019) et Andreas Gruhn (2019), il s'agissait d’identifier les conditions et les effets de la « fabrique » théâtrale de l’altérité monstrueuse sur la scène contemporaine, en se demandant, en creux, si la mise en scène et la réactualisation des peurs, des fantasmes et des cauchemars en lien avec la figure de l'Autre au XIXe siècle étaient susceptibles de conduire à des réflexions, voire à des expériences particulières de l'altérité au XXIe siècle. Si comme le pense Virginie Martin-Lavaud le monstre se situe dans le registre « du non-attendu » et « du surprenant », il s'agissait également d'interroger la capacité de la scène actuelle à mon(s)trer l’altérité, à l’heure où les spectateur.ices contemporain.es sont habitué.es aux formes brechtiennes de la distanciation.