2011
Julien Monney et al., « Les sites d’art rupestre de la Baliem (Papouasie occidentale, Indonésie) : Perceptions croisées et interactions entre chercheurs et Dani », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.yfqfkl
Au retour d’une mission en février 2008, deux d’entre nous (A-M.P. et P.P.) consacrèrent quelques jours aux peintures rupestres rouges de la Baliem centrale (Jayawijaya, West Papua, Indonesia). Signalées pour la première fois par K. Heider en 1963, ces peintures sont jusqu’à présent presque les seules connues dans les Hautes Terres de West Papua en Nouvelle-Guinée, où l’art rupestre rouge en abri-sous-roche est plutôt concentré sur les côtes. Le site de Suroba présenté ici est situé à 8 km au nord de Wamena, à une altitude de 1 700 m, dans un bassin karstique à haute densité de population, occupé par le groupe dani (voir les deux études ethnographiques majeures réalisées à partir de 1961 : H.L. Peters sur les Siep-Kosi et K. Heider sur les Wilihiman-Walalua). L’intérêt du site réside entre autres dans l’existence possible d’une production moderne ( ?) de peintures rouges. En effet, à partir des réponses succinctes de ses informateurs dans les années 1960, Heider semble avoir considéré que les figures pouvaient avoir été réalisées au cours des initiations des garçons, ce qui en ferait l’un des rares contextes de production d’art rupestre pour toute la Nouvelle-Guinée. Les abris-sous-roche ornés n’ont cependant jamais été recensés, ni étudiés en détail ; à l’exception d’une courte mission UNESCO organisée par K. Arifin et Ph. Delanghe en 1995 (2004), aucune recherche n’a été réalisée ni sur les peintures elles-mêmes, ni sur leur insertion socio-culturelle au sein des populations dani avoisinantes. Notre visite de 2008 est l’occasion de revenir sur les deux expériences antérieures qui ont fondé l’interprétation de l’art rupestre de la Baliem, à savoir celles de Heider et de Arifin et Delanghe. Leur mise en perspective permet de déceler des différences sensibles entre ces deux auteurs, notamment en matière de restriction d’accès aux sites. Elle permet ainsi de discuter la façon dont les acteurs sociaux – chercheurs et danis – se positionnent vis-à-vis de ces abris peints, tandis que l’importance sociale accordée aux sites à peintures se trouve renégociée au cours du temps. Il faudra donc s’interroger sur le rôle des intervenants extérieurs (indonésiens et occidentaux) dans la perception de certains abris peints qu’ont aujourd’hui les Dani de la Baliem. Entre autres, ces interactions constituent une des explications possibles de l’interdiction d’accès aux sites de Suroba, au moment où les tensions entre le gouvernement indonésien et les populations dani ont atteint leur paroxysme. Dans cette optique, nous essaierons de situer les discours et les comportements observés autour de Suroba, le principal site à peintures de la Baliem, en présentant conjointement les points de vue des visiteurs occidentaux (ethnologues et préhistoriens) et les réactions des communautés locales entre 1963 (première mention des peintures) et 2008 (visite la plus récente).