2024
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Michaël Crevoisier, « Ontogenesis and Finitude: Remarks on the Marginality of Philosophical Thought in Simondon », HAL-SHS : philosophie, ID : 10.24894/978-3-7965-4937-3
L’œuvre de Simondon se donne pour ambition de réformer les concepts fondamentaux de la philosophie grâce à une nouvelle théorie de l’être : l’ontogénèse. Dans son ouvrage éponyme, Simondon prend pour objet l’individuation. Il s’agit de penser l’individu en prenant en considération la dimension de son être qui fait qu’il s’individue, le préindividuel. C’est en recommençant l’effort de la réflexion philosophique à partir de cette réalité primitive que Simondon affirme pouvoir élaborer cette théorie et opérer cette réforme. Ainsi, l’ontogénèse apparaît comme le nom d’une nouvelle philosophie première, point de départ pour la construction d’un système assurant la fondation de l’universalité en droit de la connaissance. Or, il a souvent été remarqué que le ton employé par Simondon contraste avec cette ambition. Son raisonnement se construit à partir de postulats, d’hypothèses et se présente le plus souvent à travers la précaution du conditionnel. Comme si, dans le fond, la tâche de la philosophie consistait moins à réaliser une ambition, qu’à formuler une promesse. La nature de la pensée philosophique chez Simondon se trouve prise dans cette contradiction : d’un côté thétique voire apodictique, et de l’autre hypothétique, voire optative.Au centre de cette contradiction se trouve une question : peut-on connaître l’individuation ? Dit autrement, une science du préindividuel est-elle possible ? La réponse de Simondon est compliquée : « nous ne pouvons, au sens habituel du terme, connaître l'individuation. » (2013, p. 36). Afin de clarifier cette réponse il semble nécessaire de suivre la voie qu’il nous ouvre, en demandant : vers quel nouveau sens de la connaissance l’ontogénèse se laisse-t-elle connaître ? Dans cette direction, nous trouvons l’élaboration de la méthode analogique et l’affirmation de la pensée transductive, comme moyen d’accès à la dimension ontogénétique du réel. Mais, que peut-on espérer de cette méthode et de cette manière de penser ? L’ambition d’une pensée de l’ontogénèse suppose que la théorie de l’individuation ait une valeur universelle, mais Simondon reste prudent : « [i]l se peut que l'ontogénèse ne soit pas axiomatisable » (2013, p. 228). Notre article est consacré à l’analyse des raisons de cette prudence. Pourquoi l’ontogénèse ne serait-elle pas axiomatisable ?Notre but est d’éclaircir le sens de la définition que Simondon déduit de cette interrogation : « la pensée philosophie comme perpétuellement marginale par rapport à toutes les autres études » (2013, p. 228). Nous montrons que cette marginalité s’explique par la finitude ontogénétique du sujet philosophant. Plus précisément, la théorie ontogénétique de Simondon implique la conception d’un sujet pour lequel il est impossible de ressaisir la totalité des conditions ontogénétiques de sa propre pensée. Cela signifie que la problématique au départ de la pensée philosophique reste toujours partiellement obscure au sujet. Cette obscurité est, d’un côté, le moteur de l’individuation de la pensée philosophique, la promesse de son renouvellement, et, de l’autre, ce qui limite, en droit, sa prétention à l’universalité.