2006
Cairn
Georges Zimra, « Traduire : la lettre est l'esprit », Cliniques méditerranéennes, ID : 10670/1.yzjiue
L’Europe est le continent par excellence des traductions. Traduire c’est aussi traduire l’histoire de la pensée, des idéologies et des doctrines. Toute traduction impose des stratégies de pouvoir, d’autorité et de conquête, dans les opérations de recouvrement de refoulement et d’effacement de la lettre. Traduire, c’est aussi traduire autant le sujet que son historicité dans des signifiants qui maintiennent vivante l’énonciation du texte. De la Septante à Luther en passant par la Vulgate de saint Jérôme, la traduction de la Bible, mais aussi celle du Coran, fut l’espace privilégié où se nouèrent les rapports de la vérité, du savoir et du pouvoir. Ce n’est pas la fidélité à l’original qui témoigne de la portée et de la force d’une traduction, mais de faire de la lettre l’espace troué de la vérité. Sans un mouvement continu de traduction les textes s’éteignent avec la langue qui a cessé de les nourrir. Traduire enfin reste le travail d’une perte irrémédiable, incompensable, d’un deuil infini qui n’est autre que l’impossible restauration de l’origine qui fait de la Bible la trace de l’oublié dont les traductions construisent un système de références et de normes qui nous constitue en retour.