2013
Cairn
Mathieu Brugidou, « L'institutionnalisation de la norme sociale entre stigmatisation et dénonciation », Langage et société, ID : 10670/1.z3mvpz
Cet article se propose, à partir de l’étude d’une question ouverte issue d’une enquête sur les économies d’énergie, de mettre en évidence les différences entre des énoncés de stigmatisation – qui traduisent la présence d’une norme et la justifient par la sanction d’une transgression – et des énoncés de dénonciation, critiquant notamment les dispositifs de politiques publiques mettant en œuvre cette norme. L’étude décrit d’abord une méthode d’enquête et d’analyse pour identifier des énoncés de stigmatisation à propos d’une norme en cours d’institutionnalisation. Elle propose notamment de combiner une approche grammaticale des énoncés de stigmatisation et une analyse sémantique des topoï repérés grâce au vocabulaire des émotions. À partir de la distinction proposée par L. Kaufmann entre sémantique du On et sémantique du Nous (Kaufmann, 2010), l’analyse s’attache à caractériser le type de collectif suscité par ces énoncés. Ils apparaissent, dans le cas de la stigmatisation, comme la réactualisation d’une communauté héritée – faite d’habitudes et de traditions – et dans le cas de la dénonciation comme la projection d’un collectif formé sur l’accord des volontés individuelles, constituant de ce fait une proposition politique. L’étude montre toutefois que ces deux types d’énoncés, bien distingués d’un point analytique, peuvent donner lieu à des formes hybrides ou « proto-politiques », utiles pour comprendre les mécanismes de politisation.