2016
Cairn
Éric Dussert, « Les revues d’un seul ou L’apothéose des fortes têtes », La Revue des revues, ID : 10670/1.z5b931
Parallèlement à la grande tradition des revues collectives, une catégorie de revues singulières s’est distinguée entre la fin de l’Ancien Régime et le milieu du xix e siècle – et plus encore durant le siècle suivant, conformément aux évolutions technologiques et éditoriales – par sa liberté de ton, d’esprit et parfois de forme, en tout cas par son extraordinaire variété : la revue uninominale, ou « revue d’un seul ». Rien n’explique vraiment l’ombre où on la tient en tant que phénomène éditorial. Historiquement, et parce qu’elle est le mode d’expression d’un seul individu, la revue d’un seul rédacteur a été remarquée parfois – La Lanterne d’Henri Rochefort (1831-1913) – mais sans toutefois peser très lourd en tant que catégorie spécifique sur le cours de l’histoire littéraire, à de rares exceptions près. De fait, il y eut sans doute un moment de basculement où le caractère individuel de ces revues devint exceptionnel, marginal, où la revue d’un seul ne faisant pas ou plus l’opinion s’est inscrit en faux contre elle, luttant contre la dictature de la majorité et contre les canons esthétiques ou politiques de l’establishment représentés par les « grandes revues » puis par les publications d’écoles esthétiques et de groupes structurés.