6 juin 2024
Félix Barancy, « La création de la classe de Philosophie (1809) : compromis entre sciences et lettres ou étape de leur dissociation ? », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.z5nb26
Le classement de la philosophie parmi les disciplines littéraires jouit aujourd’hui d’une certaine forme d’évidence. On ne saurait pourtant oublier qu’il est le produit contingent de décisions historiques. Nous proposons d’étudier ici l’une d’entre elles : la création d’une « classe de Philosophie » venant clôturer le cours d’études des lycées en 1809. S’il paraît nécessaire d’y revenir, c’est que la « patrimonialisation » (Barancy, 2024) de cette particularité du système scolaire français a pu conduire à oublier qu’elle était loin de s’imposer en 1809, à la fois par rapport aux usages dans les écoles centrales du Directoire et par rapport aux premiers projets napoléoniens. Or, les documents d’archives qui gardent la trace de cette décision (archives du Conseil de l'Université, de la Chancellerie impériale, et de l’Inspection générale) révèlent qu’elle est une prise de position au sein de la « guerre des sciences et des lettres » (Zékian, 2011) qui anime les débats intellectuels des années 1800 à 1820. En second lieu, ils permettent de comprendre que cette création est moins un moyen de rattacher la philosophie aux lettres comme pourrait le laisser penser la présence, au Conseil, de Louis de Bonald, mais de réinventer, sur la base des travaux de Joseph-Marie de Gérando, le lien entre philosophie, sciences et État. Cette communication jettera ainsi un éclairage inédit sur la politique napoléonienne de partage des savoirs, ses enjeux sociaux, mais aussi sur ses effets à long terme.