12 décembre 2023
Jean-Patrice Calori, « Demander au programme ! Parler de programme, c'est déjà parler de projet...Du programme à l'acte de programme », HAL-SHS : architecture, ID : 10670/1.zb9ip8
l n’y a peu d’ouvrages théoriques qui parlent du programme d’architecture du point de vue des architectes. Pourtant cette question m’a accompagnée dès l’enseignement que j’ai reçu, puis dans la pratique. Peu ou pas d’écrits sur le programme en tant que matière à projet malléable et désacralisée, comme si son existence même n’amenait aucune interrogation ou discussion à son encontre, comme si, ce qui représente à la fois le départ et les conditions du projet, n’était qu’une formalité, une évidence sans conséquences particulières pour la suite. On parle donc peu des conditions d’élaboration des programmes d’architecture et leur fabrication – normativement lourde et structurellement rigide – qui est conduite souvent par de non-architectes ; mais que peut-on dire sur les façons possibles pour les praticiens, mais aussi pour les théoriciens d’agir sur, avec et contre le programme ? Si la lecture des programmes d’architecture apparait plutôt rébarbative alors qu’elle devrait être la clé des possibles et du merveilleux, comme que le dit Louis KAHN, voyons pourquoi et comment faire acte de programme.C’est l’intuition et l’envie qui m’ont guidé pour aller creuser cette question. Mon propos a donc tenté de circonscrire le paradigme lié au programme, d’en définir les contours, puis de voir de quelle manière il est possible de ramener celui-ci au cœur de l’acte de la conception dans son utilisation pour le projet par la notion « d’acte de programme ». L’objet de la recherche fût d’essayer de puiser dans cette intuition et de la nourrir le plus intensément possible pour tenter de faire émerger à la fois l’existence propre et autonome du programme d’architecture, inscrite dans un processus temporel, mais aussi de donner à voir des méthodes de travail d’architectes, un paradigme élargi de la notion de programme. C’est aussi de révéler combien cet outil, qui a pour but de définir dans les règles du jeu d’un projet, veut être, plus qu’un cadre standardisé, technique et normatif, mais une étonnante et riche matière à projet. Ce peut être le possible support d’une pensée toujours renouvelée, le moteur de l’idée comme matrice du travail de l’architecte pour peu qu’il désire s’y pencher et l’approfondir.Après avoir fait un état des lieux de ce qu’a pu être un programme par le passé, de ce qu’est un programme aujourd’hui, de la manière dont il est formulé et dont il peut agir comme outil de conception, l’ambition est de rappeler son potentiel évocateur de véritable matière à projet. En résume il s’agit, par le rappel de plusieurs façons de « faire acte de programme », de lui redonner ses lettres de noblesse en révélant sa dimension existentielle…, puis d’en célébrer la mort prochaine…, tout en proclamant son immanence.La thèse…L’objectif n’est pas de parler de la programmation architecturale qui s’adresse à la maîtrise d’ouvrage. Ce qui fait l’objet de cette recherche, c’est d’évoquer, décrire et analyser la manière dont les architectes font « acte de programme », c’est-à-dire de leur méthode pour utiliser, transformer, déconstruire, la "matière programme". Le programme ne doit donc pas, dans les mains de l’architecte, demeurer une matière inerte, figée et rigide. L’objectif est de tenter de démontrer au travers de cette recherche qu’il faut accepter le risque de la transgression pour échapper au surmoi programmatique. Alors on prend conscience de la dimension existentielle du programme d’architecture. C’est en bousculant leur nature que les programmes établis peuvent devenir une nouvelle et riche matière à projet. On doit, pour cela, casser le monolitheprogrammatique pour en déconstruire l’idée même : le démonter pour, ensuite, le remonter. Il faut sortir - par le programme - du domaine du programme. La fiction, le paradoxe, l’analogie et la dualité nous y aident et nous accompagnent dans cette démarche de destruction, de questionnement, puis de reconstruction. Je me suis donc appuyé sur ces arguments pour illustrer et développer mon propos.