28 février 2023
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Maëline Le Lay, « La parole ‘hors-plateau’ comme source : Réflexion sur l’usage d’une retranscription de table-ronde dans le cadre d’une recherche sur le théâtre au Rwanda: Suivi de Théâtre, mémoire et réparation au Rwanda (table-ronde) », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.zdxh5p
Arrimé à la retranscription d’une table-ronde sur « Théâtre, mémoire et réparation au Rwanda » co-animée par l’auteure au Kenya (IFRA-Nairobi) en février 2019, cet article propose une réflexion sur l’usage d’un tel document pour la recherche sur le théâtre et les arts de la scène au Rwanda depuis le génocide. La table ronde réunissait Carole Karemera, metteuse en scène et directrice de Ishyo Arts Center à Kigali ; Assumpta Mugiraneza, psycho-sociologue, co-fondatrice et directrice de Iriba, centre pour le patrimoine multimédia à Kigali et Ariane Zaytzeff, docteure en études théâtrales, auteure d’une thèse sur le théâtre au Rwanda après le génocide et ex-coordinatrice de la compagnie de danse Amizero basée à Kigali et du festival East African Nights of Tolerance. Tant l’analyse des spectacles des principales femmes de théâtre du Rwanda (Carole Karemera, Hope Azeda, Odile Gakire Katese) que celle d’autres spectacles sur le génocide mettent en exergue l’importance des récits et témoignages sur le génocide portés à la scène. Ces formes semblent être les plus à mêmes de dire la nécessité de porter une parole juste dans une société où la prise de parole n’est pas toujours aisée et tend même à laisser place à un silence polymorphe (à plusieurs facettes et recouvrant des motifs variés). Il s’agit en effet pour les artistes de réinventer une langue et un langage scénique spécifiques qui ne se confondent pas avec les langages du « Nouveau Rwanda » forgés par le gouvernement occupé à reconstruire le pays depuis 1994. Ressortent aussi de la conversation entre les trois intervenantes tenue pendant la table ronde les questionnements éthiques soulevés par les choix scénographiques et les orientations esthétiques des différent·e·s metteur·e·s en scène, qu’ils viennent d’Europe et du Rwanda. Ce dernier aspect nous conduit à interroger ce qui est représentable sur scène et pour quel(s) public(s), tant les besoins mais aussi les attentes et surtout les limites (éthiques, psychologiques) ne convergent pas nécessairement en fonction qu’on est un spectateur européen en Europe ou un spectateur rwandais. L’article se conclut sur l’opportunité de travailler à partir de matériaux spécifiques comme cette transcription d’une parole publique (puisque déroulée lors d’une table ronde), et non comme on le fait coutumièrement dans la recherche en sciences humaines et sociales, à partir d’entretiens individuels. Non seulement ce type d’échange peut venir opportunément pallier une difficulté d’accès aux principales informatrices dans le cas d’un terrain délicat comme le Rwanda, mais surtout sa dimension publique et son devenir matérialisé par l’écrit peuvent en faire une source utile tant pour des chercheurs en études théâtrales (africaines, rwandaises) que pour des chercheurs travaillant sur le Rwanda, et plus particulièrement le génocide et ses suites.