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Charles Lancha, « La lutte des Indiens des Andes contre les multinationales. Le cas de la Bolivie », HAL-SHS : sciences politiques, ID : 10670/1.ziumpg
L’article retrace le combat mené au début des années 2000 par les Indiens boliviens contre les multinationales, de l’eau d’abord puis des hydrocarbures. Cet affrontement est motivé au départ par des conflits économiques et sociaux mais il ne tarde pas à assumer une finalité politique. Le mouvement débute en 1999 à Cochabamba où la gestion de l’eau alors régie par une entreprise municipale, la SEMAPA, est privatisée. Sur l’injonction de la Banque Mondiale, les contrats de concession sont attribués majoritairement à Aguas del Tunari, une filiale de la multinationale californienne Bechtel, avec l’accord officiel du président de la République Gonzalo Sánchez de Lozada. Bechtel ne tarde pas à décréter une hausse spectaculaire des tarifs : plus de 50 %. Une hausse insupportable dans un pays aussi pauvre que la Bolivie. La population s’insurge de façon unanime. Pour toute réponse, les Indiens font l’objet d’une violente répression où l’on compte des morts. Au terme de quatre mois de troubles, Bechtel doit quitter les lieux. La SEMAPA est cédée à la population. Quelques années plus tard, le problème de l’eau se pose à El Alto, une ville dortoir de 800000 habitants qui surplombe la capitale, et à La Paz. En janvier 2005, une multinationale française, la Compagnie Suez-Lyonnaise des Eaux provoque la colère des usagers en raison des hausses de tarifs et d’une gestion défectueuse de sa filiale Aguas del Illimani. Confrontée à plus de 600 associations de quartiers, la transnationale devient si impopulaire que le président de la République, Carlos Mesa, décrète la résiliation de la concession. La question du gaz provoque des batailles d’une autre dimension. Les multinationales ont pris la mesure de l’ampleur des ressources gazières de la Bolivie : 1500 milliards de mètres cubes de gaz de ressources prouvées. Un consortium se met en place pour exporter le gaz en Californie via un port chilien. Pour le nationalisme bolivien, l’ennemi c’est le Chili. En septembre 2003, les principaux dirigeants indiens du mouvement exigent la démission du président de la République, Sánchez de Lozada. Cinq personnes meurent dans des affrontements avec l’Armée. A La Paz, des paysans et des travailleurs de la Centrale Ouvrière Bolivienne s’opposent à ce que le peuple bolivien soit spolié de sa nouvelle richesse, le gaz. Au cours d’affrontements avec l’Armée, une cinquantaine de personnes perdent la vie. La crise sociale débouche sur une crise politique. Le 17 octobre le président hyper libéral Sánchez de Lozada est contraint à la démission. Le vice-président Carlos Mesa lui succède mais se rend impopulaire en refusant la nationalisation du gaz. Les Indiens et, à leur tête, Evo Morales et le MAS -Mouvement Vers le Socialisme- se dressent contre lui dans la rue. Washington menace de tas de maux la Bolivie si les intérêts des multinationales sont mis en cause. La mobilisation populaire l’emporte. : le 16 mars 2005, une loi sur les hydrocarbures conforme aux exigences des leaders indiens est approuvée par le parlement. Le 18 décembre 2005, Evo Morales est élu président de la République.