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Eric Gobe, « La Tunisie en 2021 : un coup politique peut masquer un coup d’État », HAL-SHS : sciences politiques, ID : 10670/1.zkb1h2
La lecture des définitions fournies par la plupart des dictionnaires et lexiques de science politique ou de droit ne laisse guère de doutes quant à la caractérisation du coup politique réalisé par le président de la République Kais Saïed, le 25 juillet 2011. Celui-ci apparaît comme un coup d’État dans la mesure où Kais Saïed est une personnalité investie d’une autorité qui s’est emparée de tous les pouvoirs par des moyens inconstitutionnels, notamment en suspendant le Parlement et en limogeant le chef du gouvernement, ainsi qu’en menaçant d’utiliser la force (recours de l’armée pour encercler le Parlement, la Primature et le siège de la Radio télévision nationale). Si, de plus, on s’attache à la définition plus générale de l’historien Jens Bartelson selon laquelle un « coup d’État » est une « technique qui consiste à faire des exceptions aux anciennes règles et à en créer de nouvelles à partir des exceptions », alors les actes politiques de Kais Saïed au cours des mois qui ont suivi le 25 juillet ressortissent à un coup d’État, en dépit des dénégations de leur auteur. Mais par-delà la caractérisation du coup politique présidentiel, Kais Saïed, en dénonçant une classe politique corrompue, alliée aux « accapareurs » et « contrebandiers » qui ont pillé la richesse du peuple, a su traduire le malaise exprimé par une majorité sociale exclue aspirant à plus de dignité tout en répondant aux demandes des classes moyennes urbaines revendiquant la restauration de l’autorité d’un État mis à mal par une classe politique déconsidérée.