12 juin 2023
Maria Elvira Alvarez Gimenez, « Politisation et rôle des femmes dans les gauches en Bolivie entre la fin de la guerre du Chaco et la Révolution Nationale (1935-1952) », HAL-SHS : études de genres, ID : 10670/1.zm6ojl
La fin de la guerre du Chaco (1932-1935) en Bolivie inaugura une période d’une très grande effervescence politique et sociale ainsi que de bouleversements majeurs pour ce pays au niveau politique, économique, social et culturel. Ce conflit qui aboutit à une défaite catastrophique pour le pays marqua le point de départ de l’écroulement du système de pouvoir oligarchique qui avait dominé le pays depuis la fin du XIXème siècle et qui explosa finalement avec la Révolution de 1952. La fin de la guerre signifia aussi la fin de la prédominance des partis traditionnels sur la scène politique et le surgissement de nouvelles forces politiques socialistes, marxistes et nationalistes sur le devant de la scène comme des options politiques considérées désormais viables. Ainsi se multiplièrent les « clubs » et groupements politiques socialistes. Cette effervescence politique n’échappa pas du tout aux femmes qui s’organisèrent elles-mêmes en groupements ou centres de tendance marxiste ou socialiste, ou adhérèrent à des partis socialistes. De même, la guerre et la cooptation du mouvement syndicaliste par l’État représentèrent une période de déclin pour les syndicats anarchistes masculins. Or, ce fut tout le contraire pour les syndicats anarchistes féminins qui surgirent avec force après la guerre. Ce fut à travers eux que le syndicalisme anarchiste connut encore un certain dynamisme et une nouvelle vie après la guerre. La Fédération Ouvrière Féminine (FOF) avait disparu au début des années 1930 sous la répression féroce enclenchée par l’État contre le mouvement ouvrier. Cependant, tout juste après la guerre plusieurs syndicats de femmes de tendance anarchiste furent créés, redonnant vie au mouvement anarchiste et à la FOF. De la même manière, la guerre permit le surgissement de nouvelles organisations féministes qui étaient des branches d’organisations féministes panaméricaines. C’est le cas de la « Legión Femenina de Educación Popular América », fondée à La Paz en 1935 par Etelvina Villanueva comme une branche de l’organisation homonyme créé à Guayaquil, Équateur, en 1932, par l’écrivaine Rosa Borja de Icaza. Cette organisation se positionna très rapidement comme une organisation féministe socialiste cherchant un rapprochement avec les femmes des classes populaires. Cette orientation vers la gauche socialiste déclencha des disputes et des divisions au sein de ses membres et provoqua finalement l’éclatement de l’organisation. Mis à part quelques travaux focalisés sur les femmes syndicalistes anarchistes, l’histoire de la politisation et du rôle joué par les femmes dans les mouvements et partis de gauche en Bolivie n’a pas du tout été développée. Or, les femmes jouèrent un rôle important dans l’effervescence politique de la période et de surcroît dans les mouvements et partis politiques de gauche qui connurent une prépondérance nouvelle dans les sphères publiques et politiques après la guerre. L’objectif de cette communication est ainsi de présenter les organisations de femmes de tendance marxiste et socialiste fondées tout juste après la guerre en retraçant leur histoire à travers les traces fragmentaires qu’on a retrouvé à leur sujet dans les archives. Il s’agira aussi d’étudier le rôle que les femmes syndicalistes anarchistes jouèrent dans la survivance du mouvement anarchiste en Bolivie après la guerre, et finalement d’étudier le surgissement d’un féminisme socialiste d’après-guerre. Comment les femmes se politisèrent-elles vers la gauche après la guerre du Chaco en Bolivie ? Quel rôle jouèrent-elles dans l’idéologie, fondation, vie et dynamisme de partis et mouvements de tendance socialiste, marxiste et anarchiste ? Quelles furent les caractéristiques du féminisme socialiste surgi après la guerre ? Pourquoi la politisation vers la gauche signifia des conflits et divisions au sein du mouvement féministe de l’époque ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles cette communication tente de répondre.