19 novembre 2016
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Clément Lion et al., « ARISTOTE ET LA QUESTION DE LA COMPLETUDE Le modèle formel de Kurt Ebbinghaus », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.zoy600
RÉSUMÉ. Avec l'article " Aristotle's natural deduction système " , publié en 1974, J. Corcoran a contribué à diffuser une nouvelle perspective sur les écrits logiques d'Aristote et sur la théorie du syllogisme en particulier. Dans cet article, Corcoran prétend établir que, dans les premiers chapitres des Premiers Analytiques, Aristote ne propose pas un système axiomatique, qui supposerait une logique sous-jacente, ainsi que le pensait Łukasiewicz, mais plutôt un système de déduction naturelle, avec des dimensions métalogiques. Notre propos est ici basé sur un article de Kurt Ebbinghaus, intitulé " Ein formales Model der Syllogistik des Aristoteles " (1964), où est fixé le canon de cette nouvelle perspective mentionnée plus haut et qui a été développé dans le cadre conceptuel de la « logique opérative » de Paul Lorenzen. Ebbinghaus développe une reconstruction formelle montrant que l'approche d'Aristote relève de la « théorie de la preuve », non seulement pour ce qui concerne le système d'inférence sous-jacent, mais aussi pour ce qui concerne les éléments métalogiques. C'est notamment à travers ce dernier aspect que se manifeste une différence majeure par rapport à la reconstruction de Corcoran. Alors que celui-ci pose que le système d'inférence d'Aristote est enraciné dans une sémantique de théorie des modèles (élaborée par Corcoran lui-même), Ebbinghaus comprend que la théorie du syllogisme a été développée à partir d'une approche de la signification par des règles (« rule based »), semblables aux règles d'un jeu. En fait, la reconstruction d'Ebbinghaus offre une lecture pragmatiste de la syllogistique d'Aristote, qui, tel est notre propos, parait non seulement beaucoup plus proche du point de vue d'Aristote que ne l'est la sémantique de théorie des modèles proposée par Corcoran, mais qui, de plus, permet de saisir l'unité systématique de la théorie du syllogisme. Dans la seconde moitié du XXème siècle, après avoir été complètement délaissée par les logiciens, la théorie aristotélicienne du syllogisme assertorique est de nouveau apparue comme un objet d'étude digne d'intérêt. On considère généralement que ce retour paradoxal à la logique d'Aristote, si décriée à la fin du XIXème siècle, a procédé en deux temps principaux. Dans les années 50, J. Łukasiewicz, proposa d'abord, dans son ouvrage Aristotle's Syllogistic from the standpoint of Modern Formal Logic, de revenir au texte aristotélicien, par-delà la lecture traditionnelle, puis montra que les résultats obtenus par Aristote pouvaient être retrouvés et complétés au moyen des outils de la logique formelle moderne (notamment le calcul des propositions et la théorie des quantificateurs) certes au prix d'un décalage important avec les procédés explicitement employés par Aristote lui-même, laissant ouvertes