11 mars 2024
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Claire Chatelet, « L'esthétique «machiniste » de l'IA générative serait-elle avant-gardiste ? », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.zz4d7w
Si les appareils photographique et cinématographique sont apparus comme des moyens privilégiés pour certains artistes des années 1920, car, par leur automatisme, ils supprimaient non seulement la médiation « expressive » de la main, mais révélaient également ce que seul un « œil mécanique » peut voir, on peut se demander, plus de cent ans plus tard, si les systèmes d’intelligence artificielle générative, tels DALL.E, Midjourney ou Stable Diffusion, ne parachèvent pas cette volonté de « l’avant-garde machiniste » : valoriser la machine comme instrument ou comme modèle pour évacuer le caractère personnel de l’expression. En effet, par les images probabilistes et «désaffectées » qu’ils produisent ces dispositifs remettent en cause de manière radicale les concepts d’art et d’auctorialité, en faisant de la création un « acte automatique » délié de toute dimension émotionnelle. La machine serait-elle alors un parfait « anti-artiste » d’avant-garde ou, au contraire, un « artiste entièrement honnête », un « artiste-type », parce qu’elle est ce « sujet qui est objet, sans conscience, c’est-à-dire sans hésitations ni scrupules, sans vénalité, ni complaisance, ni erreur possibles » (J Epstein, 1921). À partir de ma propre pratique de l’IA générative, il s’agit d’explorer ce que ces « nouvelles » technologies font à l’art tout en rejouant d’anciennes problématiques.