Une politique des subjectivités suspectes : essentialisation et existentialisation de l’Autre dans les politiques d’immigration et d’intégration en France

Résumé 0

L’article vise à mieux comprendre comment les autorités en France mettent en récit et transforment en feuille de route pour l’action publique la coexistence d’une posture d’accueil et de rejet de celles et ceux que leur origine désigne potentiellement comme Autres. Il montre que la contradiction entre deux orientations qui peuvent paraitre incompatibles est levée en faisant de l’une la condition de l’autre et en individualisant le traçage de la frontière qui sépare leurs cibles respectives. Celui-ci se fonde sur des critères qui articulent marqueurs culturels et biologiques dans le renvoi aux origines mais selon une combinatoire dont la distinction entre héritage (culturel) et hérédité (biologique) ne rend que partiellement compte. Le détour par des politiques relevant d’autres domaines de l’action publique mais qui reposent elles aussi sur une problématisation politique de la condition minoritaire éclaire la complexité et les ressorts de la frontiérisation qu’opèrent les politiques d’immigration et d’intégration. Il permet de mieux saisir la portée structurante ainsi que les effets sociaux de l’enquête sur les subjectivités menaçantes que déploient les autorités françaises, mais aussi plus largement peut-être l’ensemble des démocraties libérales, face à un droit à la différence qu’elles protègent tout en s’en protégeant lorsqu’il est identifié au droit de s’affirmer comme sujet de son existence.