2018
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https://hdl.handle.net/20.500.13089/4e2j
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Francine Kaufmann, « Elie Wiesel et la célébration du judaïsme : entre l’identité collective du passeur, du conteur, et l’identité individuelle du narrateur et du témoin », Presses de l’Inalco
Dans l’œuvre multiforme d’Elie Wiesel chacun de ses ouvrages représente une nouvelle stratégie par laquelle le survivant de la Shoah tente de remplir de sens sa propre survie. La série des Célébrations (biblique : 1975 ; prophétique : 1998 ; talmudique : 1991 ; hassidique : 1972 et 1981) se donne pour mission de préserver, de transmettre et d’actualiser les sources juives, trésor collectif du peuple d’Israël. Il ne s’agit ni d’ouvrages d’érudition, ni d’une entreprise de vulgarisation. Dans les Célébrations, Wiesel se veut à la fois témoin impliqué, simple passeur mais aussi conteur. L’auteur-conteur dit « nous » : « nos maîtres », « notre histoire », créant, ce faisant, une intimité avec ses lecteurs. Il destine essentiellement ces récits au peuple juif pour lui permettre de se les réapproprier, mais aussi à l’humanité tout entière qui peut en devenir plus riche. Le « nous » constitue aussi une interpellation pédagogique : « Écoutons le Midrash », « Relisons le texte ». Parfois le « nous » est l’expression du conteur qui hésite à dire « je » : « notre démarche », « essayons de… », etc. Quand il dit « je », Wiesel revendique son appartenance à la tradition de son peuple, mais affirme aussi la légitimité de son interprétation personnelle des récits oraux et des textes qu’il revisite, à la lumière de son époque et de sa propre expérience. Plus souvent « le conteur » se désigne lui-même en tant que tel, à la troisième personne, comme s’il renonçait à son identité propre et s’effaçait derrière les sources qu’il prétend rapporter fidèlement, dans plusieurs versions transmises par la tradition populaire. Pourtant, c’est bien l’enfant en lui qu’il veut amener à témoigner, l’enfant naïf et innocent d’avant la Shoah, entouré de ses condisciples et de ses maîtres dont la plupart ont sombré dans les massacres et qu’il souhaite ramener à la vie, avec leur perception du monde et l’omniprésence des légendes juives. C’est par l’annulation du temps de l’histoire et la restitution d’un éternel présent que Wiesel passe insensiblement du « nous », du « il » du conteur, au « je » du témoin, du maillon dans la chaîne, du narrateur subjectif.