14 décembre 2017
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Valérie Bada et al., « August Wilson’s Gem of the Ocean: Translating Multilayered Sensory Experience », Palimpsestes, ID : 10.4000/palimpsestes.2294
La puissance des pièces du dramaturge africain-américain August Wilson provient en grande partie de la manière dont sa poétique fait appel aux sens, que ce soit explicitement en évoquant l’expérience sensorielle des personnages ou de façon indirecte par son utilisation de rythmes syntaxiques propres, et par ses modulations spécifiques du vernaculaire noir américain. Quand nous nous sommes lancées dans la traduction pour la scène de Gem of the Ocean, la première des dix pièces qui constituent le cycle de Pittsburgh, nous avons dû chercher à rendre des effets similaires en français, et d’abord à négocier sa langue qui est non seulement hautement idiosyncratique mais aussi marquée géographiquement et historiquement. La scène centrale de la pièce qui se passe au tout début du XXe siècle, donc à un moment où l’esclavage est encore bien présent dans les mémoires, montre une transe hypnotique au cours de laquelle un jeune homme dont l’âme doit être « lavée » est amené à revivre la traversée négrière pour atteindre la mythique Cité des Os où les esclaves noyés ont littéralement « la langue en feu » ; cela ne peut se produire que parce que ses sens sont tous sollicités, y compris par des spirituals. Les rythmes syntaxiques et intonatifs ainsi que la langue allitérative et anaphorique propres à la poétique wilsonienne sont autant d’agents médiateurs qui canalisent l’expérience sensorielle des personnages. Le présent article décrit les difficultés des traductrices à créer une langue en français qui éveille les sens du spectateur / lecteur tout en respectant le rythme et la référentialité multiple du texte.