2017
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Revue générale de droit ; vol. 47 no. 2 (2017)
Droits d'auteur © Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa, 2017
Guillaume Rousseau et al., « A Distinctive Quebec Theory and Practice of the Notwithstanding Clause: When Collective Interests Outweigh Individual Rights », Revue générale de droit, ID : 10.7202/1042928ar
Les droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec surpassent les autres règles de droit. Ainsi, toute mesure législative qui entrerait en conflit avec leur contenu serait susceptible d’invalidation par les tribunaux canadiens. Toutefois, au nom de la souveraineté parlementaire, les deux chartes comportent un mécanisme d’exception, la « disposition dérogatoire », qui peut être invoquée par le législateur pour retirer une loi de l’examen judiciaire concernant sa conformité au droit des chartes.Au-delà des considérations de fond et de forme, selon la doctrine québécoise prédominante et l’Assemblée nationale du Québec, en quelles circonstances et à quelles fins le législateur peut-il invoquer une disposition dérogatoire?Une étude des principales conceptions universitaires des droits fondamentaux au Québec révèle une approche théorique distincte à l’égard des dispositions dérogatoires par comparaison avec celles répandues au Canada anglais. Cette tendance doctrinale distincte nous porte à croire qu’un législateur peut légitimement invoquer le mécanisme dérogatoire de manière préventive lorsqu’il cherche à mettre de l’avant des mesures législatives touchant les intérêts collectifs, tels que des objectifs sociaux ou des mesures liées à l’identité nationale, pour éviter qu’elles ne soient mises en péril par des intérêts privés. Cette réalité distincte se reflète également au sein de la pratique législative, en ce que le Québec a invoqué la disposition dérogatoire de la Charte canadienne 61 fois (au surplus de 45 références à la disposition dérogatoire de la Charte québécoise) comparativement à 3 fois pour le reste du Canada durant la même période, pour des considérations très majoritairement liées à des questions d’objectifs sociaux ou d’identité nationale. Cette situation pourrait s’expliquer par une conception distincte de la souveraineté parlementaire ainsi que de la dynamique de pouvoir entre le législateur élu et les juges nommés au Québec.