LES ENJEUX D’EFFICIENCE ET LA FISCALITÉ

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2017

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L'Actualité économique ; vol. 93 no. 3 (2017)

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Cet article passe principalement en revue différentes questions liées aux impacts de la fiscalité sur l’efficience et discute de propositions clés de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise (CEFQ). Tout en faisant référence à des propositions de réformes majeures à l’étranger, à l’aide d’une recension de la littérature, il présente les grands principes économiques sur lesquels doit reposer une révision du système fiscal. Il fait notamment ressortir le rôle des taux effectifs marginaux d’imposition et différents aspects à considérer lors d’une restructuration d’une taxe sur la consommation. Ceux-ci incluent le mode de prélèvement fiscal qui peut différer d’un prélèvement d’une taxe indirecte sur la valeur ajoutée, de la pertinence ou non d’appliquer un taux uniforme, etc. D’autres questions sont aussi abordées telles que les taxes sur les revenus du travail et du capital, de même que la taxation environnementale.En Grande-Bretagne en 1978, le rapport Meade faisait émerger plusieurs idées importantes telles que : privilégier la taxation du revenu dépensé (consommation) à un taux uniforme pour détaxer l’épargne, réduire les taux de taxation statutaire sur le revenu, abolir des échappatoires fiscales et réformer l’imposition sur les héritages. En 2011, le rapport Mirrlees s’est concentré sur la réduction des effets distortifs de la fiscalité au Royaume-Uni en maintenant les recettes du gouvernement constantes et en affectant le moins possible la redistribution des revenus. Le rapport recommande un impôt sur le revenu progressif et transparent sur le revenu des particuliers. Par ailleurs, quant à l’impôt sur les rendements du capital, le système fiscal devrait être neutre en évitant d’influencer le calendrier et la nature des investissements.Des éléments de théories viennent appuyer les arguments de Meade et Mirrlees. Le modèle néoclassique canonique permet de tirer plusieurs conclusions quant aux effets de la fiscalité sur l’efficacité économique. Notamment, il est préférable que les taux marginaux de taxation varient peu à travers le temps, car de trop grandes variations pousseront les ménages à modifier leurs décisions intertemporelles quant à leur consommation et leur travail à travers le temps, occasionnant ainsi des pertes sèches dans l’économie. Les taxes sur le revenu du travail et sur la consommation vont impacter sur les choix de consommation et de travail des ménages. Les taxes sur le revenu du capital ont à la fois des impacts sur la capacité de production future et les choix intertemporels des ménages.Plusieurs considérations doivent être prises en compte pour analyser la taxation des rendements du capital, qui tendent à décourager l’investissement privé. Premièrement, le gouvernement doit être intertemporellement cohérent, notamment si on veut éviter le recours à une taxe confiscatoire sur l’ensemble du revenu du capital. Deuxièmement, une taxe sur les rendements du capital est une taxe sur la consommation future. Troisièmement, pour des biens intermédiaires produits en situation de concurrence imparfaite, tout comme le mark-up inhérent au pouvoir de marché des firmes, l’impact d’une taxe sur revenu du capital sur l’investissement peut être accentué. Des considérations similaires s’appliquent également à l’investissement en capital humain. Par ailleurs, en présence d’agents hétérogènes soumis à des risques spécifiques non diversifiables, une taxe sur les rendements du capital pourrait être optimale afin d’éviter une épargne excessive.Les agents économiques peuvent être très sensibles à une hausse de la taxation des revenus du travail. Selon les cas, elle peut les pousser à réduire le nombre d’heures travaillées (à la marge intensive), à quitter le marché de l’emploi (à la marge extensive), à rechercher des formes de rémunération du travail non imposées ou moins imposées, voire à adopter des stratagèmes d’évitement fiscal, ou carrément se tourner vers l’économie clandestine. Tout en reconnaissant l’existence d’un débat sur l’ampleur empirique de chacun de ces effets, plusieurs travaux récents suggèrent que les impacts macroéconomiques sur les marges intensive et extensive peuvent être plus importants qu’on le pensait, surtout en fonction de l’âge et de la situation familiale des ménages. En outre, un impact négatif significatif de l’imposition des revenus du travail se ferait sentir sur l’accumulation de capital humain.D’autre part, en raison de l’interaction et du calcul applicable aux multiples crédits d’impôt existants de différents niveaux de gouvernement, les taux effectifs marginaux d’imposition sur le revenu du travail, notamment au Québec, sont souvent très élevés pour des travailleurs à faibles et moyens revenus, avec des effets désincitatifs vraisemblablement significatifs sur l’emploi. Un bouclier fiscal, dans la foulée d’une des recommandations de la CEFQ, peut compenser, dans une certaine mesure, la non-éligibilité partielle ou totale d’aides gouvernementales survenant avec une hausse du revenu personnel. Cette question mérite que les gouvernements y accordent une attention soutenue.La réforme proposée par la CEFQ a pour objectif de réduire les distorsions économiques causées par le système fiscal. La CEFQ propose notamment de taxer davantage la consommation et de réduire la taxation des intrants. Elle privilégie la TVQ à taux uniforme en tant que principal moyen de taxer la consommation, tout en préservant des biens détaxés. Pourtant, Boadway et Pestieau (2003) énumèrent des situations où il serait optimal de différencier les taux de taxation sur les biens, même en présence d’un impôt direct linéaire. Par souci d’équité, il est toutefois nécessaire de bonifier le crédit d’impôt pour solidarité pour les ménages à faibles revenus. Ces différentes questions font l’objet d’une réflexion approfondie.Les taxes environnementales viennent, avant toute chose, corriger les externalités négatives générées par l’activité économique. À l’instar des autres formes de taxation, elles génèrent tout de même des distorsions, qui réduisent l’assiette fiscale. De plus, une littérature émergente sur les changements technologiques « dirigés » montre que la combinaison de taxes sur le carbone et de subventions de recherche pour stimuler l’innovation et le développement de technologies propres peut être socialement optimale, lorsque des technologies propres et polluantes sont en concurrence.Réformer la fiscalité est une tâche de grande ampleur. De telles réformes affectent le quotidien des citoyens et suscitent des débats et les oppositions de certains groupes et personnes à une telle démarche. Pour augmenter les chances de succès d’une telle entreprise, et notamment sa faisabilité politique, le Québec aurait avantage à s’inspirer d’expériences ailleurs dans le monde. La proposition de réforme fiscale doit se fonder sur la science et sur les bonnes pratiques suggérées à la fois par les enseignements microéconomiques et macroéconomiques de la théorie de la taxation, ainsi que ceux tirés de la recherche empirique. Sans atteindre la perfection, tout en tenant compte des impondérables et des exigences démocratiques, un système fiscal peut être plus performant sur le plan de l’efficacité et de l’équité à la condition qu’un gouvernement fasse preuve de vision, de profondeur, de transparence et de volonté.

Issues on Efficiency and Taxation. This article mainly reviews various issues related to the impacts of taxation on efficiency and discusses key proposals made by the Québec Taxation Review Committee (QTRC). While referring to major proposals for tax reform from abroad, it presents major economic principles that should underlie a review of the tax system. While offering a survey of the literature, the paper highlights the role of effective marginal tax rates, as well as different issues worth considering if a consumption tax is restructured. These include: how the consumption tax is levied, as it can differ from a usual indirect value-added tax, whether a uniform rate should be applied, etc. The paper also addresses other issues, such as labour and capital income taxation, as well as environmental taxation.In Britain in 1978, the Meade report brought out several important ideas such as: to favour a taxation of spent income (consumption) at a uniform rate, while detaxing savings to reduce statutory tax rates on income, to abolish tax loopholes and to reform the taxation of inheritances. In 2011, the Mirrlees report focused on reducing the distortive effects of taxation in the UK while maintaining government revenues constant and affecting income redistribution as little as possible. The report recommended a progressive and transparent personal income tax. Furthermore, regarding the taxation on capital income, it advocated that tax system should be neutral, in the sense that neither the timing, nor the nature of investments be impacted.Meade’ and Mirrlees’ arguments can rely on many elements of theory. The canonical neoclassical model leads to several conclusions about the effects of taxation on economic efficiency. In particular, it is preferable that marginal tax rates vary little over time, as large variations will lead households to alter their intertemporal consumption and work decisions, thus causing economic deadweight losses. Taxes on labour income and consumption will impact on the households’ decision about consumption and work. Taxes on capital income have both impacts on future production capacity and the intertemporal choices of households.Several considerations must be taken into account when analyzing the taxation of capital income, and its detrimental effect on private investment. First, the government must be time consistent, especially to prevent the use of a confiscatory tax on all capital income. Second, a tax on capital income is a tax on future consumption. Third, for intermediate goods produced by imperfect competition, similarly to the markup inherent to the firms’ market power, the impact on investment from a tax on capital income can be exacerbated. Similar considerations also apply to the effect of taxes on human capital investment. Moreover, in the presence of heterogeneous agents who are subjected to idiosyncratic undiversifiable risks, a tax on the return of capital could be optimal to mitigate excessive savings.Economic agents can be very sensitive to an increase in the taxation of labour income. It may cause them either to reduce the number of hours worked (at the intensive margin), to leave the labour market (at the extensive margin), to seek forms of untaxed or lower-taxed labour compensations, to adopt tax avoidance schemes, or to engage outright in activities in the underground economy. While there is a debate on the empirical magnitude of each of these effects, recent studies suggest that the macroeconomic impacts on the intensive and extensive margins may be greater than previously thought, especially for households and workers of various ages and family situations. Moreover, a significant negative impact of the taxation of labour income would be felt on human capital accumulation.On the other hand, because of the interaction and working of many existing tax credits at various government levels, the marginal effective tax rate on labour income, particularly in Quebec, is often very high for workers with low and middle income, with likely significant disincentive effects on work. Following recommendations of the QTRC, some tax shield can, to some extent, compensate for the partial or total non-eligibility of individuals to some tax credits when one’s personal income increases. Governments should be keenly aware of this issue.The QTRC’s proposed reform aims to reduce economic distortions caused by the tax system. In particular, the QTRC suggests to increase consumption taxes and to reduce taxation of inputs. It also favours a higher flat QST rate as a primary means of taxing consumption, while preserving exemptions of some goods. As shown by Boadway and Pestieau (2003), there are situations where differentiated tax rates on consumption would be optimal, even if the government has access to direct linear taxes. For equity reasons, however, it remains necessary to enhance the solidarity tax credit for low-income households. The paper addresses these issues in depth.Environmental taxes, above all, aim at correcting negative externalities generated by economic activity. Like other forms of taxation, they generate their own distortions that may reduce the tax base. In addition, an emerging literature on directed technological change shows that the combination of carbon taxes and research subsidies to stimulate innovation and the development of clean technologies can be socially optimal when clean and polluting technologies are in competition.Reforming taxation is a major task. These reforms affect the daily life of citizens and arouse debates and opposition from some groups and persons. To increase the chances of success of such an endeavour, as well as its political feasibility, the Quebec government would do well to draw lessons from experiences elsewhere. A tax reform proposal must be based on science and the best practices supported by the implications of both the micro and macro theories of taxation, as well as from empirical research. While it is not possible to reach perfection, while acknowledging contingencies and democratic requirements, it is possible to design a more performing tax system on the grounds of both efficiency and equity. That is, provided that a government shows vision, depth, transparency and political will.

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