Les émotions gustatives, de la dimension sensible à la dimension morale.

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25 avril 2025

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Sophie Thiron, « Les émotions gustatives, de la dimension sensible à la dimension morale. », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.07f833...


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Les sociologues de l’alimentation tendent à considérer que les émotions gustatives font l’objet d’un apprentissage social. Dès l’enfance, l’individu apprendrait à aimer ou à ne pas aimer certains aliments en fonction de normes en vigueur dans son groupe (Le Breton, 1998 ; Merdji, 2002 ; Dupuy, 2013). Les goûts et dégoûts alimentaires seraient ainsi façonnés, réprimés et régis par des normes émotionnelles intégrées et revues tout au long de la socialisation primaire puis secondaire (Halbwachs, 1947 ; Hochschild, 1983 ; Bernard, 2017). Quels sont les enjeux de cet apprentissage ? Cette communication s’appuie sur une thèse de doctorat en sociologie sur les émotions relatives à l’industrialisation de l’alimentation (Thiron, 2024) pour discuter de la construction sociale des émotions gustatives, tout en éclairant les enjeux sociaux et politiques de celles-ci.Dans un premier temps, la construction des goûts et dégoûts alimentaires sera éclairée au travers d’une revue de littérature articulant sociologie des émotions et sociologie de l’alimentation. Comment expliquer que nous ressentons des émotions si différentes face à un même aliment ? Les dimensions physiologiques des goûts et dégoûts alimentaires, sociales et culturelles, et idéelles ou cognitives (intégrant la place du symbolique et de l’imaginaire) seront tour à tour passées en revue. Un modèle de construction sociale de l’émotion sera ensuite présenté en mettant cette revue de littérature en parallèle avec des données collectées lors d’un terrain qualitatif combinant observations de repas, entretiens et focus groups. Ce modèle relie les émotions gustatives observées à des normes émotionnelles et représentations sociales intégrées au cours de la socialisation, et intègre les effets de contexte. Enfin, la communication reviendra sur les enjeux sociaux et politiques des goûts et dégoûts alimentaires, en prenant l’exemple des émotions relatives aux aliments « industriels ». Que les variations sociohistoriques du goût pour les aliments « industriels » nous apprennent-elles de la société contemporaine ? Quatre grands enjeux sociaux et politiques ont été identifiés à l’expression de ces émotions alimentaires : exprimer de la peur, de la colère, de la curiosité, du plaisir ou du dégoût vis-à-vis des aliments considérés « industriels » est un moyen de tisser des relations, de marquer son appartenance sociale, d’affirmer des valeurs morales et idéologiques et de communiquer des convictions. Les émotions prennent alors une dimension politique en reflétant les systèmes de valeurs et les volontés de changement social. En particulier, elles sont révélatrices de rapports à la nature, à la technique, et au temps dans la société contemporaine. En mettant au jour une morale contemporaine, l’émotion gustative apparaît ainsi comme une clé de compréhension des controverses et prises de position parfois mouvementées observées autour des transformations alimentaires industrialisées, et plus largement autour des questions posées par les transitions des filières industrielles. Un « beurk ! » ou un « mmmh ! » pour changer la société ?

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