3 février 2016
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Nicolas Lefrançois, « Le Grand-Duché de Luxembourg, un État sans manuels scolaires nationaux », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.40jk0h
La communication présente brièvement le paysage historique et sociolinguistique du Grand-Duché de Luxembourg afin de comprendre l’origine diachronique de la triglossie institutionnelle nationale. Cette perspective tente d’éclairer le fait que le Luxembourg a choisi de ne pas produire de manuels scolaires nationaux pour les enseignements secondaires. Or, étant entendu avec les historiens Marc Ferro et Gilbert Trausch que les manuels d’histoire et de géographie sont les premiers vecteurs du « récit national » et de la perception des enjeux internationaux qui affectent l’État, cette perspective pose les questions suivantes :-Quels arguments le Grand-Duché de Luxembourg déploie-t-il pour justifier l’absence de production nationale de manuels scolaires ?-Comment, dès lors, le Grand-Duché élabore-t-il son récit national et le démarque-t-il des pays auxquels il emprunte ses manuels ?-Comment le Luxembourg se conçoit-il au sein de l’Union européenne ?Porté par le multilinguisme national, le Luxembourg choisit entre les manuels allemands ou français concernant l’enseignement de l’histoire et de la géographie au niveau secondaire, tous les élèves étant censés employer indifféremment l’allemand et le français en tant que langues de scolarisation. Toutefois les filières classique et technique divergent en matière de langue. Le système classique privilégie l’allemand, le système technique le français. De fait, 46 % de la population résidente sont de nationalité étrangère, dont 30% d’origine « romanophone ». Les enfants issus de ces communautés linguistiques constituent le principal contingent d’élèves en échec scolaire dû au manque de maîtrise de l’allemand, principale langue de scolarisation du primaire. Aussi l’enseignement technique, réputé plus « accessible », privilégie-t-il les manuels français rédigés dans une langue plus familière aux élèves, où l’histoire et la géographie sont partiellement intégrées au programme de français.Outre le gain financier d’une économie de production de manuels propres, le pays avance l’argument de la mise en perspective méthodologique des différentes approches étrangères et de son bénéfice pour le corps enseignant local et les étudiants.L’idéologie multilingue locale investit la population native d’une légitimité paneuropéenne qui supplante les métadiscours scolaires et l’autorise à s’approprier les matériels étrangers sans nuire à l’édification de son récit national.L’étude s’appuie sur l’ouvrage de Marc Ferro abordant l’élaboration des contenus pédagogiques historiques nationaux et les rapports luxembourgeois en matière de didactique générale. L’examen des manuels prescrits par la liste obligatoire du ministère de l’Éducation nationale luxembourgeois porte méthodologiquement, pour les deux filières du secondaire, sur le pays d’édition du manuel, la langue de rédaction, la présence ou non de chapitres consacrés à la situation du Grand-Duché.