28 mars 2023
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Paul Quesnay, « Accompagner les changements curriculaires vers l’approche par compétences dans les formations en santé : Étude d’une stratégie de changement pragmatique portée par unindividu-tercéisateur dans un institut de formation en ostéopathie français », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.79121a...
Contexte : Les instituts de formation en santé qui doivent mettre en place les réformes par Approche Par Compétences (APC), sont peu accompagnés pour faire face au changement curriculaire de manière stratégique. Pourtant, il s’agit d’un enjeu majeur pour transformer en profondeur les formations, considérant les ressources restreintes allouées à la pédagogie, comme c’est le cas en ostéopathie en France. Le recours à une stratégie de changement portée par un individu-tercéisateur, interne à l’institut, est ici questionné pour soutenir la mise en œuvre de l’APC. Objectifs : Étudier une stratégie de changement curriculaire portée par un individu-tercéisateur visant à soutenir la mise en œuvre de l’APC dans une formation en ostéopathie. Il s’agit ainsi d’étudier la co-construction de la stratégie mise en place, de caractériser ses effets (changements et apprentissages aux niveaux individuel, collectif et institutionnel) et de caractériser les éléments clés de la stratégie. Méthode : Inscrite dans une épistémologie constructiviste pragmatique, cette recherche-action-collaborative est une étude de cas réalisée en immersion dans un institut de formation en ostéopathie pendant trois ans et demi. La stratégie de changement étudiée s’appuie sur des « activités réflexives » de production, co-construites avec les coordinateurs pédagogiques (élaborer un référentiel de compétences, construire des situations d’enseignement-apprentissages, créer des outils d’évaluation clinique et des portfolios). Le recueil des données fait appel à la technique des cartes conceptuelles pour étudier l’évolution des conceptions des coordinateurs sur l’APC. D’autres techniques sont utilisées pour trianguler les données et comprendre les changements-apprentissages : observations, analyse des documents pédagogiques, entretiens et enquêtes s’étendant à l’ensemble des acteurs de l’institut. L’analyse générale de l’étude de cas repose sur une stratégie analytique en sept étapes successives. Résultats-discussion : La stratégie de changement portée par l’individu-tercéisateur s’est construite en 3 séquences. Les activités réflexives ont permis des actions au niveau individuel, auprès des coordinateurs pédagogiques, et des actions au niveau institutionnel, quand celles-ci étaient relayées par la direction pour leur diffusion dans l’institut. Le niveau collectif, impliquant ensemble les coordinateurs et enseignants, a été moins été mobilisé du fait de leur faible disponibilité. La stratégie de changement curriculaire a instauré une dynamique qui pourrait être qualifiée de « frontière » en ce sens qu’elle articule et met en tension les différentes séquences d’action aux différents niveaux. Elle se distingue des stratégies descendantes classiquement décrites qui agissent au niveau institutionnel. Ainsi, elle a permis d’initier un changement curriculaire global vers l’APC dans l’institut dans la mesure où elle touche différentes composantes du curriculum. Cela se traduit par l’évolution des conceptions pédagogiques des coordonnateurs et partiellement dans le discours institutionnel. Le changement a principalement concerné la formation clinique des étudiants et les outils d’évaluation. Des enseignements par compétences ont également été implémentés (formation clinique et à la recherche). Il existe des limites : le référentiel de compétences et les portfolios n’ont pas été institutionnalisées et les enseignements du premier cycle n’ont pas fait l’objet de changement. La planification générale des enseignements et de l’évaluation n’a pas évolué dans le sens de l’APC. Elle reste centrée sur la transmission de connaissances. Les activités réflexives n’ont pas fait évoluer l’organisation de l’institut ou sa gouvernance qui est restée descendante et centralisée par un petit nombre d’individus. Ces limites permettent de calibrer l’apport d’une stratégie initiée par un individu tercéisateur au regard des autres stratégies de changement. Les éléments clés identifiés pour favoriser le changement sont : le recours à la réflexivité en tant que moteur des apprentissages, la fonction d’individu-tercéisateur promotrice de changement, la présence de l’individu-tercéisateur sur le temps long et la dynamique-frontière. Pour la gestion du changement, il s’agit : de la négociation d’activités réflexives, de l’identification des conceptions sur l’APC et de l’utilisation d’outils permettant la visualisation des changements pédagogiques.Conclusion : Nombre de formateurs en santé suivent des formations continues pour renforcer leurs compétences pédagogiques. Peu les prépare à la posture d’individu-tercéisateur alors qu’elle pourrait être une stratégie pour initier le changement vers l’APC. Ce d’autant plus quand l’institut n’a pas encore rassemblé toutes les conditions et ressources considérées comme porteuses dans la littérature. Cette recherche interroge ainsi la possibilité de faire de la formation pédagogique suivie par un enseignant une opportunité de changement. Par ailleurs, la pérennisation du changement questionne son articulation au sein d’une stratégie mixte avec d’autres stratégies (institutionnelle descendante ou avec des accompagnateurs externes). L’idée est partagée d’un état de « réforme permanente » où les réformes déclarées par les instances viendraient renforcer les expériences réalisées localement dans des instituts de formation précurseurs.