2013
Cairn
Gérard Vergnaud, « Qu'est-ce que la pensée ? », La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation, ID : 10670/1.8n9zah
L’idée principale de cette contribution est que, pour comprendre la pensée, il faut l’analyser comme une activité qui se déroule et se développe dans le temps. Cette étude de la pensée dans sa dimension temporelle est celle que conduit le psychologue et le philosophe, lorsqu’ils s’intéressent aux compétences, conceptions et attitudes qui se forment au cours de l’expérience. Ces conceptions et attitudes se construisent progressivement, dans l’interaction des médiations d’apprentissages proposées par un tiers et des constructions cognitives du sujet. Le médiateur a comme première responsabilité de choisir les situations à offrir à l’apprenant ; puis de clarifier le but de l’activité, de contribuer à l’organisation de cette activité, y compris de la prise d’information et du contrôle, de faciliter les inférences en situation ; enfin, de faire émerger, au moins partiellement, les notions et vérités pertinentes. La mise en mots et en symboles des connaissances et des règles de conduite forme une partie non négligeable de l’activité du médiateur, mais elle n’en constitue qu’une partie. En outre, la communication entre le médiateur et l’apprenant est frappée des mêmes ambiguïtés que toute autre communication : il y a un écart entre, d’une part, les propos tenus par le médiateur et le sens qu’il leur donne en fonction de son propre système d’invariants, d’autre part les propos entendus par l’apprenant, qui leur attribue un sens qui dépend, lui, du système d’invariants de l’apprenant. En résumé, l’appropriation d’une culture par un individu dépend, certes, nécessairement de sa propre activité, y compris de son travail de construction ou de reconstruction des concepts constitutifs de cette culture. Mais elle dépend aussi fortement de l’aide qu’il reçoit de son environnement et donc de la qualité des médiations dont il bénéficie.