19 octobre 2022
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Alain Lacroux et al., « CROIRE OU NE PAS CROIRE LES ALGORITHMES… ? PERCEPTIONS ET COMPORTEMENT DES RECRUTEURS FACE AUX ALGORITHMES LORS DE LA PRE-SELECTION DE CV », HAL-SHS : droit et gestion, ID : 10670/1.9tvkvv
La présélection des CV assistée par des systèmes d'aide à la décision intégrant l'intelligence artificielle connaît actuellement un fort développement dans de nombreuses organisations, soulevant des questions techniques, managériales, juridiques et éthiques. L'objectif de la présente communication vise à mieux comprendre les réactions des recruteurs lorsqu'ils se voient proposer des recommandations basées sur des algorithmes lors de la présélection des CV.Deux attitudes majeures ont été identifiées dans la littérature sur les réactions des utilisateurs aux recommandations basées sur des algorithmes : l'aversion pour les algorithmes, qui reflète une méfiance générale et une préférence pour les recommandations humaines ; et le biais d'automation, qui correspond à une confiance excessive dans les décisions ou les recommandations faites par les systèmes algorithmiques d'aide à la décision (ADSS). En s'appuyant sur les résultats obtenus dans le domaine de l'aide à la décision automatisée, nous faisons l'hypothèse générale que les recruteurs font plus confiance aux experts humains qu'aux systèmes algorithmiques d’aide à la décision, car ils se méfient des algorithmes pour des décisions subjectives comme le recrutement. Une expérimentation sur la sélection des CV a été menée sur un échantillon de professionnels (N=1 100) auxquels il a été demandé d'étudier une offre d'emploi, puis d'évaluer deux CV fictifs dans un plan factoriel 2×2 avec manipulation du type de recommandation (pas de recommandation / recommandation algorithmique / recommandation d'un expert humain) et de la pertinence des recommandations (recommandation pertinente vs non pertinente). Nos résultats confirment l'hypothèse générale de préférence pour les recommandations humaines : les recruteurs font preuve d'un niveau de confiance plus élevé envers les recommandations d'experts humains par rapport aux recommandations algorithmiques. Cependant, nous avons également constaté que la pertinence de la recommandation a un impact différentiel et inattendu sur les décisions : en présence d'une recommandation algorithmique non pertinente, les recruteurs ont favorisé le CV le moins pertinent par rapport au meilleur CV. Ce décalage entre les attitudes et les comportements suggère un possible biais d'automation. Nos résultats montrent également que des traits de personnalité spécifiques (extraversion, neuroticisme et confiance en soi) sont associés à une utilisation différentielle des recommandations algorithmiques. Les implications pour la recherche et les politiques RH sont enfin discutées.