Usages élaboratifs du langage dans les pratiques enseignantes : l’intérêt de la démarche comparative en recherche et formation

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Intervenante : Maira Mamede (Circeft-Escol, UPEC) L’école exige ce qu’elle n’enseigne pas. Ce constat bourdieusien fait office de dénonciation du caractère implicite des attendus scolaires. Il est en ainsi des pratiques langagières (Bautier, 1995). Celles visées par l’école relèvent des usages du langage pour élaborer la pensée. Propres à la culture écrite (Goody, 1979), ils s’appuient sur les « pouvoirs de l’écrit » (Goody, 2007), auxquels les élèves sont inégalement familiarisés. Dans le cadre scolaire, ces usages se traduisent par la notion de littératie scolaire (Delarue-Breton et Bautier, 2019), en particulier « des habitudes de raisonnement fondées sur des mises en relation d’éléments hétérogènes coprésents ou non dans le moment de travail, renvoyant le plus souvent à des documents écrits » (idem). La littératie scolaire apparait donc à la fois comme condition et objectif d’apprentissage. En effet, les élèves en mesure d’interpréter et investir les situations scolaires dans un registre littératié (Bautier et Rayou, 2013) sont justement ceux qui parviennent à identifier les enjeux d’apprentissage. Si cela explique en partie les inégalités d’apprentissage, d’autres éléments de réponse sont à chercher du côté de la manière dont ils deviennent un objet d’enseignement dans les pratiques professionnelles des enseignants. Nous souhaitons contribuer à la compréhension des usages élaboratifs du langage en classe, en termes de raisonnement fondé sur des mises en relation d’éléments. Dans une démarche comparative, nous nous appuyons sur un corpus constitué de séances de résolution de problèmes menées par des enseignantes de cycle 3, dans deux territoires socialement contrastés. Cette démarche nous permet de saisir plus aisément les similitudes et les variations en fonction du public et des enseignantes. Les séances analysées portent sur l’enseignement de la proportionnalité. Elles se déploient à partir d’un même scénario : une lecture de l’énoncé du problème par l’enseignante, suivie par l’usage du brouillon par les élèves (prise de notes et mise en relation des données). S’ensuit alors une alternance entre écrit et oral dans les interactions, particulièrement riche pour appréhender les usages du langage pour penser. Notre analyse est focalisée sur l’usage des connecteurs logiques par les enseignantes (si, donc, car, parce que...), traduisant des opérations cognitives telles que la déduction ou l’inférence. Leur présence est corrélée à la visibilité des objets de savoir et à des pratiques langagières davantage décontextualisées. Pour finir, nous discuterons de l’intérêt de la démarche comparative en formation. Elle fait mieux ressortir des différences dans les usages du langage et leurs potentiels effets différenciateurs. C’est une piste pour expliciter ce qu’une école plus démocratisante exigerait de la part des enseignants, mais que la formation n’enseigne pas nécessairement.

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