Liberté et contraintes horaires : une temporalité paradoxale. Analyse du discours d’experts-comptables travaillant en petit cabinets

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Marie Carcassonne, « Liberté et contraintes horaires : une temporalité paradoxale. Analyse du discours d’experts-comptables travaillant en petit cabinets », Archive Ouverte d'INRAE, ID : 10670/1.omb658


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Liberté et contraintes horaires : une temporalité paradoxale. Analyse du discours d'experts-comptables travaillant en petits cabinetsA partir d’un corpus d’une quinzaine d’entretiens recueillis auprès d’experts-comptables travaillant soit dans un grand groupe international (l’un des Big Four), soit dans un « petit cabinet » (de moins d’une quinzaine de salariés) après avoir eu une expérience dans un Big Four, nous montrerons comment les uns comme les autres critiquent la temporalité vécue en grand cabinet en tenant un discours produisant l’effet d’être très contrôlé et surveillé. Nous convoquons pour cela une approche discursive de la narration (Nossik 2011) tenant compte des aspects interactifs (Vion 1992), énonciatifs (Kerbrat-Orecchioni 1980, Rabatel 2008) et dialogiques (Voloshinov [1929] 2010, François 1982, Bres 2005) des discours en question. On verra en quoi les interviewés travaillant en petits cabinets justifient tous le fait d’avoir quitté les grands cabinets pour se sentir plus indépendants et indiquent tous qu’ils ont désormais le sentiment d’avoir une activité plus libre dans l’organisation du temps de travail (avec davantage d’autonomie et de responsabilités), plus intéressante car plus diversifiée, plus conviviale (avec un « relationnel » plus fort), moins stressante du fait de l’absence du poids de la hiérarchie qui exerce une pression forte. Dans la mesure où ils sont présentés comme modifiant la façon de vivre le temps passé au travail, ces aspects sont qualifiés de« affects temporels » (Carcassonne 2017) caractérisant une certaine « temporalité affective ». On examinera ensuite en quoi cette temporalité affective concernant les petits cabinets est paradoxale car elle met en tension l’indépendance et la liberté d’un côté, de fortes contraintes horaires de l’autre : les experts comptables travaillant en petit cabinet se présentent comme prêts à accepter cette contrainte horaire, l’essentiel étant d’être dégagés des affects temporels (stress, tension, mépris) qu’ils ont très difficilement vécus en grand cabinet. Cette temporalité affective apparaît donc paradoxale et se caractérise par une forme de soumission librement consentie à une activité de travail chronophage dominant tous les autres aspects de leur vie.Nous verrons que les interviewés du corpus travaillant en petits cabinets se présentent tous (i) comme vivant une surcharge de travail très forte, sans perspective pour la faire diminuer ; (ii) qu’ils ne posent d’ailleurs pas cette question qui serait liée à un futur ; (iii) qu’ils ne posent pas non plus un regard critique sur ces horaires très longs (ils auraient par exemple pu se présenter comme piégés par la charge impliquée par le statut de travailleur indépendant) ; (iv) qu’au contraire ils insistent sur le fait que ces horaires restent « gérables », le fait même de présenter ces horaires en termes d’inconvénient étant presque toujours impliqué par la question de l’intervieweur, (v) qu’ils ne cherchent pas à expliquer cette temporalité affective paradoxale, (vi) qu’ils produisent l’effet de contrôler leur parole.Nous répondrons alors aux questions suivantes : cette temporalité affective paradoxale relève-t-elle vraiment d’un impensé de la part des interviewés qui seraient pris dans une double contrainte qu’ils n’arriveraient pas à mettre en mots et encore moins à critiquer, ou au contraire ces derniers chercheraient-ils à la masquer ? Et si oui pour quelles raisons ? Différents niveaux de contexte (de recueil, professionnel, idéologique) seront convoqués pour répondre à cette question, ce qui ouvrira sur une confrontation entre nos analyses et les observations faites par Stenger (2017) dans les grands cabinets d’audit.BibliographieBRES J., 2005, « Savoir de quoi on parle : dialogue, dialogal, dialogique ; dialogisme, polyphonie », dans Jacques Bres, Pierre Patrick Haillet, Sylvie Mellet, Henning Nølke et Laurence Rosier (eds.), Dialogisme et polyphonie. Approches linguistiques. Bruxelles, De Boek Duculot, p. 47-61.CARCASSONNE M., 2017, « La notion de temporalité affective confrontée à différentes approches de la narration en sciences du langage : apports, enjeux, méthodes », Cahiers de Narratologie [En ligne], 32 | 2017, mis en ligne le 21 décembre 2017, consulté le 27 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/narratologie/7866. FRANÇOIS F., 1982, « Ébauches d’une dialogique », Connexions, no 38, p. 61-87.KERBRAT-ORECCHIONI C., 1980, L’énonciation, de la subjectivité dans le langage, Paris. A. ColinNOSSIK N., 2011, « Les récits de vie comme corpus sociolinguistique : une approche discursive et interactionnelle », Corpus, 10, 119-135. RABATEL Alain, 2008, Homo narrans. Pour une analyse énonciative et interactionnelle du récit, Limoges, Lambert-Lucas. STENGER Sébastien, 2017. Au coeur des cabinets d'audit et de conseil de la distinction à la soumission. Paris, PUF. VION R., 1992, La communication verbale, analyse des interactions, Paris, Hachette. VOLOSHINOV V., [1929] 2010, Marxisme et philosophie du langage, Limoges, Lambert-Lucas (Nouvelle traduction de Sériot et Ageeva).

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